L'histoire de Crépy...

I. - Site et origines de Crépy

Crépy-en-Valois, capitale du Valois du X' s. à la Révolution, doit son origine à la nature des lieux, un promontoire abrupt bordé par les vallées profondes où coulent au sud le ru de Sainte-Agathe, au nord le ru des Taillandiers, qui se rejoignent à l'ouest. Ce site permettait d'établir un " oppidum "facile à défendre de 3 côtés; il était d'autant plus important qu'entre Senlis et Crépy s'étend une vaste plaine. C'est en ce point que s'implantèrent le château et la vieille ville. Actuellement, le voyageur qui vient de Paris saisit mal l'importance de ce lieu, en raison de l'extension de la cité, Mais lorsqu'on arrive par la route de Séry à l'ouest, par la route de Compiègne au nord, lorsqu'on regarde la vieille ville du parc municipal de Sainte-Agathe, on est saisi par son aspect de forteresse.

Dés l'époque celtique, la région était assez peuplée, ainsi que le prouvent de nombreuses découvertes archéologiques.

L'occupation romaine. Les Romains devaient naturellement s'intéresser à ce site comme point fortifié. L'importance de leur occupation dans la région est attestée non seulement par de nombreuses monnaies mais aussi par le vaste réseau routier qu'ils établirent. L'artère principale, allant de Senlis à Soissons, passait au nord de Néry, à Bêthisy, à Champlieu, pour traverser ensuite la foret de Compiègne. Cette vole, dénommée bien plus tard Chaussée Brunehaut, était reliée par des voies secondaires à Crépy d'où partaient aussi d'autres chemins dans plusieurs directions.

Crépy n'était pas à l'époque romaine un centre administratif, on était trop près de la capitale des Sylvanectes Augustomagus, l'actuel Senlis; quant au pagus voisin, le " pagus vadensis ", Il avait pour centre Vez, première capitale du Valois. Cette partie de la vallée de l'Automne ne paraît avoir dépendu de Crépy qu'à partir du X' s.

L'étymologie du non, de Crépy a donné lieu à des controverses savantes et passionnées. Les anciens textes donnent les noms de Crispeium, Crispiacus, Crispiniacum Castrum. De la terminaison " iacum ", courante à l'époque gallo-romaine viennent dans nos régions les innombrables noms de localités se terminant en " y ", comme dans l'est ceux qui se terniment en " ey " et dans le midi en " iac ".

Mérovingiens et Carolingiens. C'est à Dagobert I qui régnait à Soissons qu'on attribue la fondation du premier château de Crépy sur le promontoire qui avait auparavant constitué un point fortifié; mais on n'en peut préciser l'emplacement exact. Dagobert I aurait fait aussi construire à côté de cette maison forte une église,

Le domaine de Crépy continua de faire partie du fisc royal puis impérial jusqu'à lafin du règne de Charlemagne. Divers partages eurent lieu sous Louis le Débonnaire, notamment en faveur des descendants de Bernard d'italie, petit-fils de Charlemagne; Hériber i, fils de Bernard, eut ainsi Crépy, puis Héribert Il. La fille de ce dernier, Hildegarde, épousa vers 885 Valéran comte de Vexin qui prit le titre de Comte de Crépy. Gauthier I, son fils, lui succéda puis, vers 928, son petit-fils Raoul I qui fixa Sa résidence à Crépy. Avec celui-ci commence une dynastie définitivement ancrée à Crépy.

Il. - Puissance des Comtes de Crépy et développement de la cité

(X' et début du Xl' s.).Raoul I, ayant après la. mort de ses frères reçu la totalité de l'héritage paternel, s'intitule, comte non seulement de Crépy, mais de Vexin. Pontoise, Chaumont, Mantes et Meulan, Amiens et Dreux, Parfois d'ailleurs ces titres ne correspondent pas à des possessions effectives.

Nous le voyons intervenir sans cesse " avec une avidité Insatiable " pour augmenter la puissance de Sa maison: Il assure le mariage de son fils Hugues avec l'héritière du comte Héribert de Senlis. Il faudra l'intervention du Pape jean XVI pour que son fils Hugues rende les biens qu'il avait usurpés à l'abbaye de Saint-Riquier. aux religieux de Saint-Crépin le Grand et à Saint-Médard,

Raoul entreprend de construire un nouveau château-fort sur le promontoire et y établit une première enceinte.

En même temps, et ceci cadre assez avec les moeurs de l'époque, il avait une grande dévotion aux saints et aux reliques. Or Il apprit un jour qu'un prétre, nommé Constance, avait dérobé une partie des reliques de Saint Arnoul dans une église des Yvelines, et les avait déposées au château de Vez. Il voulut alors vénérer ces reliques et les fit transférer solennellement dans la chapelle de son château de Crépy le 27 septembre 949,

Mais Il n'oubliait pas les possibilités de développement économique de la cité. Il obtint du roi Louis IV d'Outre-Mer de fonder une foire à Crépy. Les reliques devaient attirer de nombreux pèlerins. Aussi la foire commençait-elle en juillet, le lendemain de la fête de Saint Arnoul, et durait toute l'octave. Elle rapportait au comte d'appréciables droits de péage, malgré les secours donnés à nombre de pèlerins.

Gauthier le Blanc, ou le Vieux, succéda à Raoul. en 986, à l'âge de 46 ans et ne mourut qu'en 1027. S'il répara le préjudice causé par son père à divers établissements religieux, Il n'hésita pas à en commettre d'autres.

il fut un grand bâtisseur, fortifia à nouveau le château de Crépy; deux de ses grosses tours subsistent encore. Par ailleurs, il établit une enceinte plus vaste où se constitua un bourg près du château, Comme la chapelle où étaient conservées les reliques de Saint Arnoul était relativement modeste, il entreprit la construction du Monastère de Saint-Arnoul et tînt à ce que son corps fût enterré dans un caveau contre Saint Arnoul. Son fils Raoul Il, équitable et bienfaisant, n'eut le comté que trois ans, étant mort en 1030.

III. - Les Comtes de Crépy jusqu'au mariage capétien.

Raoul III avait la violence et la cupidité de certains de ses ancêtres, Mais c'était un grand capitaine très expert dans l'art des sièges et de ce chef considéré comme un auxiliaire précieux par le roi.

Devenu veuf d'Alix, fille du comte Naucher, il se remaria, mais au bout de 6 ans devint amoureux de la reine Anne de Russie, veuve du roi de France Henri I, qui s'était retirée à Senlis, et à qui nous devons la construction du monastère Saint-Vincent de Senlis. Raoul accusa alors Sa femme Haquenez d'adultère et épousa la reine Anne. Mais cette fausse allégation d'adultère causa un grand scandale dans la chrétienté et, après enquête des archevêques de Reims et de Rouen, Raoul fut excommunié par le Pape; il n'en persista pas moins à demeurer avec Anne que les chartes appelleront désormais " Anna regis mater " au lieu de " Anna regina ".

Le roi Philippe i qui aimait profondément Sa mère ne rompit cependant pas avec Raoul, trop puissant et trop utile dans les combats. C'est ainsi que la reine Anne vécut à Crépy; elle put d'ailleurs se marier avec Raoul après la mort d'Haquener.

Quant à Raoul, il fut à nouveau excommunié pour la façon dont il s'était emparé de Péronne et de Montdidier. C'est dans cette ville qu'il mourut

Le Comte de Crépy, Simon le Saint hérita du comté de Crépy. Il avait horreur de la violence tout en sachant très brillamment combattre et même attaquer, ce dont le roi se rendit compte lorsqu'il chercha à empiéter sur ses terres,

Le comte Simon s'efforça avant tout de réparer les préjudices causés par son père en restituant terres et droits usurpés. Il tint à ramener solennellement la dépouille de son père à Saint-Arnoul de Crépy afin qu'elle ne restât pas dans une terre dont la prise avait motivé l'excommunicatIon. Ce transfert eut lieu en 1071.

Simon choisit pour épouse la fille du Comte d'Auvergne. Elle avait les mêmes sentiments que lui et après la cérémonie tous deux décidèrent d'entrer respectivement en religion, Il fonda plusieurs monastères et fit d'énormes donations notamment à l'Ordre de Cluny, il fut également très généreux dans des partages avec les membres de Sa famille. Le roi de France favorisait d'ailleurs Ces mesures qui avaient pour effet de diminuer la puissance des futurs comtes de Crépy.

La sainteté de Simon, son renoncement impressionnèrent beaucoup ses contemporains. Le Pape Grégoire VII le chargea de certaines négociations de paix entre divers princes. Il l'entoura particulièrement au moment de Sa mort le 30 septembre 1082 et exceptionnellement Simon fut enterré dans le caveau des papes. Crépy ne pouvait pas rester insensible au caractère lumineux de ce comte qui fut, peu d'années après Sa mort, mis au nombres des saints, Aussi édifia-t-on à Sa mémoire, dans l'église Saint-Arnoul, un monument, qui fut détruit par les Anglais en 1431.

Crépy et le comté de Valois revinrent alors à la soeur aînée de Saint Simon, Hildebrante, qui avait épousé Hériber IV, comte du Vermandois. Veuve avant même la mort de son frère Simon, elle éleva Sa fille unique Adèle qui devait hériter à la fois du Valois et du Vermandois, Ce vaste ensemble territorial, si proche de Paris, ne pouvait laisser Indifférent le roi de France, dont les domaines étaient encore modestes. Aussi fut-il convenu que le second fils du roi Henri I épouserait Adèle. Avec Hugues le Grand commence ainsi la dynastie capétienne des comtes de Crépy.

Hugues de France fut un modèle de chevalerie par son courage, Sa foi religieuse et Sa haute valeur morale; tous les historiens des croisades s'accordent pour estimer qu'il méritait le nom d'Hugues le Grand. Parti pour la Terre Sainte, il eut une grande part à la prise d'Antioche et de Nicée on 1096. Les princes chrétiens le choisirent comme chef de la députation solennelle envoyée auprès de l'Empereur de Constantinople pour réclamer les secours prévus. A son retour de la première croisade, il revint à Crépy qui fut toujours son centre famIlial c'est au chàteau de Crépy que naquirent ses sept enfants. Reparti en Terre Sainte, il fut blessé d'une flèche et mourut en 1102 àTarse en Cilicie.

lY. - Les comtes de Crépy jusqu'au rattachement du Valois à la couronne de France,

Raoul IV, fils d'Hugues le Grand1 cousin germain du roi, sera l'un des principaux personnages du royaume sous Louis VI le Gros, puis sous Louis VII le jeune dont il deviendra le beau-frère.

Sa vaillance et Sa fidélité totale au roi sont marquées avec éclat par les écrits de Suger et de ses contemporains. Blessé au siège de Livry où il perd un oeil, d'où le surnom de comte borgne, il est Sénéchal de France en 1131. Louis VI le désigne omme tuteur de son fils et, sentant venir la mort, le charge d'accompagner à Bordeaux, le futur Louis VII pour le mariage de celui-ci avec Aliénor d'Aquitaine.

C'est au chateau de Crépy que Raoul IV accueille, en 1131, le Pape Innocent Il réfugié en France et vivant de façon itinérante. C'est de Crépy que le pape écrit, notamment le 5 des calendes de juillet aux évêques de Rouen et de Sens, Raoul sera chargé de veiller sur le pontife pendant une partie de son séjour en France. Il est au surplus en rapport étroit avec Saint Bernard et Saint Norbert et tait de nombreuses fondations religieuses.

Raoul, bien qu'ayant dépassé la quarantaine, tombe éperdument amoureux de la très jeune Péronnelle. soeur de la reine Aliénor, qui vient de la ramener d'Aquitaîne. Comme il est marié à une nièce du comte de Champagne, il n'hésite pas à faire annuler le mariage pour parenté prohibée par trois évêques et s'installe à Crépy avec Péronnelle. Saint Bernard fulmine contre lui, le pape l'excommunie. Le comte de Champagne réagit. le roi entre en guerre contre la Champagne. et incendie Vitry. La paix est signée mais Raoul et Péronnelle n'en restent pas moins excommuniés et durant ce temps ne cessent d'ailleurs pas leurs fondations religieuses.

Raoul demeure Sénéchal, continue à jouer un rôle capital dans l'Etat, Le roi le désigne pour assurer la régence aux côtés de Suger pendant qu'il part en croisade. Raoul et Péronnelle sont enfin relevés d'excommunication à la mort de la première femme de Raoul, en 1148.

Raoul meurten 1152. ayant, ainsi que sa femme, comblé de dons les établissements religieux et charitables, non seulement de Crépy, de Longpont. de Lieu Restauré, mais aussi de nombreuses autres abbayes, et surtout l'Ordre de Cluny qui lui rend des honneurs exceptionnels.

L'essor de la ville se poursuit. La foire est de plus en plus fréquentée. Dix sept villes de Flandre y sont représentées. C'est aussi l'époque du début des chartes communales favorisées par Louis VI le Gros, et Crépy s'enorgueillira d'être parmi les premières à en bénéficier.

Après la disparition de Raoul, Crépy passe à son fils Raoul V le Lépreux. qui meurt jeune, puis à la soeur ainée de ce dernier Elisabeth, épouse de Philippe d'Alsace, qui hérite à la mort de son père du comté de Flandre, C'est un des plus puissants seigneurs de France et Louis VII l'a en Si grande estime qu'il le désigne comme tuteur de son jeune fils Philippe-Auguste, dont Philippe d'Alsace était d'ailleurs le parrain.

Les rapports de Philippe d'Alsace avec Thomas Becket, archevêque de Canterbury. venu se réfugier en France, ont beaucoup cornpté pour Crépy que domine encore le grand clocher de Saint-Thomas de Canterbury.

Philippe d'Alsace tente bien de garder personnellement le Valois. même après la mort de la comtesse Elisabeth dont il n'avait pas eu d'enfants. La paix avec le roi fut signée seulement le jour de Pâques 1184. Le Valois revenait à la dernière fille de Raoul IV, Eléonore, mais il fut décidé qu'au cas où celle-ci ntaurait pas d'enfant, le Valois retournerait à la couronne de France.

Malgré ses 4 maris, la comtesse Eléonore n'eut pas d'enfants. A Sa mort, en 1214, Philippe Auguste hérita donc du comté de Crépy et du Valois, mais le souvenir de celle que l'on appelait la bonne comtesse reste vénéré dans nos régions.

V. - Crépy rattaché à la couronne - Rois et Princes apanagistes du XIII. au XV' s.

Philippe Auguste s'intéressa particulièrement à Crépy et au Valois ; il ne pouvait oublier par ailleurs l'important renfort de milices que le pays lui avait apporté lors de la bataille de Bouvines. Il tenait surtout à marquer qu'il était l'héritier légitime des comtes de Crépy et vint presque chaque année se recueillir sur le tombeau de la comtesse Eléonore à l'abbaye du Parc aux Dames, à proximité de Crépy. Il confirma dans ses droits la commune de Crépy. Il voulut aussi consolider l'organisation administrative du comté: les assises de Crépy comprenaient alors, outre ses officiers, les possesseurs des principaux fiefs. Il tint particulièrement à faire préciser ses droits sur les différentes parties du domaine.

Saint Louis conserva la même piété à l'égard du souvenir de la comtesse Eléonore et fit des dons Importants à l'abbaye du Parc aux Dames. Du château de Crépy sont datées nombre de chartes s'échelonnant de 1235 à 1267.Il concéda à Sa mère Blanche de Castille le Valois qu'elle posséda durant 13 ans jusqu'à Sa mort. Elle passait une certaine partie de l'année au château de Crépy, ce qui ne devait d'ailleurs pas déplaire à la femme de Saint Louis étant donné que, suivant joinville, celle-ci souffrait un peu du caractère autoritaire de la Reine mère. En 1268, le roi investit du Valois son fils Trîstan, mais ce dernier mourut avec lui à Tunis et le Valois revint à la couronne.

Phîlippe le Hardi, à son tour, donna le Valois en apanage à son second fils Charles de Valois. Ce prince qui se voulait magnifique, était toujours besogneux, d'autant qu'il avait 8 filles à marier, ce à quoi il réussit fort bien. S'il portait les titres théoriques de roi de Sicile, de jérusalem, d'Aragon, de Hongrie... il n'avait guère personnellement de possessions réelles. Aussi fut-il très attaché au Valois, Il en suivait de près l'administration et en tenait des notes personnelles. Il vint très souvent au château de Crépy ainsi qu'à Sa maison de chasse de Villers-Cotterêts, la Malmaison c'est d'ailleurs dans la forêt de Retz qu'il fonda la Chartreuse de Bourgfontaine.

Il décida en 1311 d'exempter tous gens nés et à naître en Valois des taxes de mainmorte, de formariage et autres servitudes, transformation sociale considérable pour tout le comté.

C'est l'époque de la grande prospérité de Crépy dont la population s'était beaucoup développée, ce qui impliqua la construction d'une nouvelle enceinte fortifiée plus vaste.

En raison du souvenir de son père, Philippe de Valois resta très attaché à la région et tint à ce que son coeur fût déposé dans la Chartreuse de Bourg-fontaine. Mais lorsqu'il devint roi de France, Crépy ne pouvait plus être une de ses résidences principales. La coutume paraît alors se confirmer de donner le Valois en apanage au frère du futur roi; c'est ainsi qu'il échut à Philippe de France, frère de jean le Bon.

Si Philippe avait pu échapper au désastre de Potiers, il ne put empêcher Navarrais et Anglais en 1358 d'endommager gravement Crépy qui resta près de 34 ans avec des pans de mur comme seule fortification à l'est. A Sa mort, le Valois fut de nouveau réuni à la couronne et Charles V le donnera, en apanage, à son second fils Louis d'Orléans.

Louis d'Orléans - premier Duc du Valois - Les horreurs de la guerre - Jeanne d'Arc à Crépy.

Louis d'Orléans reçoit le Valois en apanage en 1386 tout en en laissant l'usufruit à la veuve de Philippe de France qui mourra en 1392. Mais il veut marquer l'importance de cette possession et obtint en 1406 que le Valois soit érigé en Duché prairie. Le Valois comporte alors Verberie, Béthisy, Crépy, Pierrefonds, Oulchy-le-Château, Neuitly St-Front. Mais lia bien d'autres terres plus au nord, notamment le château de Coucy que l'on appelle Coucy-la-Merveille.

Il sait l'hostilité du Duc de Bourgogne dont les états sont coupés en deux tronçons entre lesquels se trouve le Valois. Il renforce donc les fortifications de Crépy, le château de Béthisy. Il construit l'immense et magnifique château de Pierrefonds, puis celui de la Ferté-Milon qu'il n'a pas le temps d'achever. Mais les lignes de défense comprennent, en outre, au nord Béthizy, Vez et OuIchy-le-Château. au sud Nanteuil-le-Haudoin et Montépilloy.

Louis d'Orléans vit souvent à Crépy. Il constate alors que le droit de prise est lourd pour les habitants car il comporte l'obligation d'assurer les provisions de table, l'ameublement, le chauffage et l'entretien des chevaux durant ses séjours au château. Aussi décide-t-il de supprimer ce droit de prise, ce qui est approuvé par lettre patente du roi du 19 avril 1399.

Généreux, lettré, grand bâtisseur mais ambitieux et de moeurs légères, Il est assassiné le 23 novembre 1407 par les hommes du Duc de Bourgogne. Sa veuve, Valentine de Milan, demande en vain la punition des criminels, mais le Duc de Bourgogne, jean sans Peur, domine désormais et va même jusqu'à se glorifier de son crime.

Charles d'Orléans, fils de Louis, n'a que 13 ans quand son père meurt.Ce sera désormais une lutte sans merci entre le parti d'Orléans et le parti Bourguignon, alors que le roi Charles VI est devenu fou. Crépy est pris par les Bourguignons commandés par Valéran de Saint-Pal, an 1411. La ville doit alors payer un lourd tribut financIer, mais les Orléanais la reprennent en 1412. Le jeune duc Charles épouse Bonne d'Armagnac dont le père deviendra le Chef du parti d'Orléans, Charles blessé ayant été fait prisonnier à Azincourt an 1415 et conduit en Angleterre où il demeurera 25 ans,

Le plus atroce de cette guerre c'est que l'on se trouve en face de bandes qui pillent et saccagent tout, au nom des Bourguignons, des Armagnacs, des Anglais ou du roi. Elles comportent un grand nombre de mercenaires étrangers et l'on verra Crépy décider d'une imposition Importante pour se débararasser d'une garnison écossaise (ce que l'on appellera la vidange des écossais).

Comme à la suite de graves intempéries les récoltes sont catastrophiques, la famine frappe tout le pays en même temps que les épidémies et les grands froids qui amènent les loups; bien des paysans, qui fuient les terres où ils n'ont plus aucune sécurité, se joignent aux bandes de pillards et c'est partout le saccage. Crépy est pris par les Anglais en 1422, mais la marche miraculeuse de jeanne d'Arc l'amène devant la ville qui ouvre ses portes au roi le Il août 1429. A côté du roi et de Dunois, elle dit " Voici un bon peuple, je n'en ai pas encore vu qui se soit réjouit de Si bon coeur à l'entrée du roi ".

Renaud des Fontaines est nommé Gouverneur de Crépy. Charles VII tergiverse au lieu de continuer les combats, espérant surtout mener à bien une négociation séparée avec le duc de Bourgogne pour le détacher des Anglais. Fin 1430, au mois de mai, jeanne d'Arc repasse à Crépy pour aller au secours de Compiègne. Quelques jours après elle sera faite prisonnière. Les Anglais enverront bien un corps de troupe sous les ordres du comte Huttington pour attaquer Crépy, mais c'est surtout une feinte afin d'essayer de provoquer une sortie de la garnison de Compiègne. Crépy reste fidèle au roi.

Les Anglais dirigent alors une attaque vigoureuse contre Crépy. Taîbot lui-même commande; les faubourg sont pris et dévastés, particulièrement Sainte-Agathe qui est au sud, en dehors des fortifications, et le faubourg SaintThomas. Mais on voit du haut clocher de Saint-Thomas ce qui se passe dans la ville; c'est un merveilleux observatoire pour les Anglais. Après plusieurs tentatives, ils prennent la ville, une partie des fortifications et du château est détruite, Ils arasent le clocher de Saint-Thomas pour qu'il ne puisse servir d'observatoire à leurs ennemis. Ils incendient l'église Saint-Denis, Saint-Arnould et détruisent tous les monuments funéraires des comtes de Crépy. C'est seulement en mai 1433, dit le chroniqueur contemporain Monstrelet, que les Français reprennent la ville par surprise.

Retour de Chartes d'Orléans - Détresse du Valois et Renouveau jusqu'à la fin du XV' s.

Lorsque Charles d'Orléans, en 1440, rentre en France, grâce surtout à l'intervention du duc de Bourgogne dont Il épouse la nièce, Marie de Clèves, la population de Crépy ne représente pas le quart de ce qu'elle était jadis. Les campagnes sont presque désertes. Charles d'Orléans, bien que préoccupé essentiellement du paiement de Sa rançon, ne veut pas imposer le Valois. Il ne reconstruit pas le château de Crépy, se borne à réparer ce qui est encore valable et donne gratuitement aux habitants les pierres des parties détruites. Il s'efforce, par de larges exonérations fiscales, de ramener les paysans sur leurs terres (ses chartes de 1444 précisent, par exemple, que Feigneux et Etrepilly n'ont plus aucun habitant, et que Largny n'a plus que Il feux au lieu de 250). La paix ne pourra être effective que lorsque le royaume sera dégagé des routiers et écorcheurs que l'on envoie habilement se faire détruire àl'extérieur.

Charles vient assez souvent dans le Valois, mais Sa résidence essentielle est à Blois et dans l'Orléanais, beaucoup moins atteint par les guerres. Il est bienveillant à l'égard du petit peuple, généreux avec ceux qui lui ont été fidèles dans l'épreuve, tels les frères Le Fuseller, de Crépy-en-Valois.

A Sa mort, en 1465, son fils Louis Il d'Orléans, né tardivement en 1462, n'est qu'un enfant. Le Valoîs sera administré par Marie de Cléves qui vint à Crépy à plusieurs reprises, notamment en 1475. C'est seulement en 1484 que Louis fera son entrée solennelle à Crépy. Il n'en jouira pas longtemps car il aura pris part à une rebellion contre le roi (la guerre folle). Le Valois est saisi le 27 février 1489 et réuni à la couronne. Chartes VIII pardonne, rend à Louis le Valois en 1491, mais meurt accidentellement à 27 ans le 7avril 1498 et Louis d'Orléans devient le roi Louis XII; il ne s'intéresse qu'accessoirement à Crépy qui ne cadre plus avec le faste des résidences royales. Il donne le Valois le 26 avril 1499 en apanage à son neveu François d'Angoulême qui n'a alors que 5 ans. François épousera plus tard Claude de France, fille de Louis XlI, auquel il succédera à la couronne en 1515.

Dans cette seconde moitié du XV' s. Crépy, comme le Valois, renaît peu à peu. C'est seulement le 8 décembre 1492 que l'on rétablit, deux fois par an, des foires qui avaient cessé depuis longtemps d'exister. Crépy reste surtout la capitale administrative du Valois.

VI. - Du XVI. au XVIII' siècle.

Avec François I. commence, pour le Valois, une autre période. Le roi aime la chasse, construit le château de Vjllers.Cotterêts qu'Henri Il achèvera. C'est désormais là que résideront les rois pendant leurs séjours dans le Valois, à proximité de Crépy où ils viennent de temps en temps.

En 1544, Charles-Quint marchant sur Paris s'empare de Château-Thierry mais doit battre en retraite par Villers-Cotterêts puis Soissons. Là commencent les pourparlers qui aboutissent à la paix de Crépy, le 18 Septembre, mais il s'agit de Crépy-en-Laonnois, près de Laon, et non de Crépy-en-Valois.

Après la mort d'Henri Il, le Valois est donné en douaire à Catherine de Médicis qui veille soigneusement sur ses revenus et concourt a l'établissement d'un collège à Crépy, puis à Marguerite de Valois à laquelle l'historien Bergeron, de Crépy, dédie son ouvrage " Le Valois royal ".

La fin du XVI' s. est troublée par les guerres de religion. En 1588 Crépy est pris par les Ligueurs; mais ils sont chassés par les compagnies bourgeoises de la ville qui reconnaît Henri IV. Les ligueurs reprennent Crépy en 1592, rasent une partie des fortifications, font subir les pires traitements aux compagnies bourgeoises. mais n'incendient pas la cité.

Henri IV la reprend et est amené à déplacer provisoirement à Béthisy les juridictions du bailliage. de la prévôté et de l'élection de Crépy. Il est sans cesse dans la région. Il fait réparer les fortifications de la ville. Par lettre patente d'avril 1593.Il accorde une sauvegarde à la ville de Crépy et défend aux hommes de guerre d'y séjourner. Edouville qui commande Crépy pour le roi arrive d'ailleurs à détruire un groupe de Ligueurs venu à proximité tendre une embuscade. Enfin sont signées la paix de Vervins avec les Espagnols, qui soutenaient la Ligue. et la paix avec le duc de Mayenne.

Henri IV, s'il est souvent passé à Crépy n'y a guère séjourné1 il préférait Villers-Cotterêts, proche d'ailleurs de Coeuvres, où il avait rencontré pour la première fois Gabrielle d'Estrées.

Le XVII et XVIII' siècles.

Le Valois connaît à nouveau les ravages de la soldatesque en 1616 lors de la révolte des princes qui essaient vainement de prendre Crépy ou lors des troubles de la Fronde.

Reprenant la tradition ancienne, le Valois est donné en apanage à Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII, en janvier 1630. Puis, après la mort de ce dernier en 1660, à Monsieur, frère de Louis XIV en 1661. Mais jusqu'à la Révolution, les ducs d'Orléans, qui se succéderont avec le titre de duc de Valois, iront de préférence à Villers-Cotterêts qui sera érigé en bailliage, supprimé un temps puis rétabli. Toutefois Crépy reste la capitale du Valois; des familles de notables exerçant des charges administratives, judiciaires ou financières, s'y sont constituées. Les établissements hospitaliers ou d'éducation jouent un rôle important dans la région.

Au XVIII' s. on veut mettre au goût du jour la ville qui déborde largement la vieille enceinte médiévale. Les fortifications qui la limitaient à l'est ne servent plus à rien, elles sont abandonnées et utilisées partiellement par les riverains.

On avait déjà abandonné une partie du terrain des fossés pour y établir les Capucins en 1644; au XVIII' s. cette zone est transformée en cours plantées d'arbres sur l'initiative du Président Minet, Pdt du Présidial en 1717; de même on démolit on 1748 le beffroi avec la prison et la chapelle y attenant pour y constituer, en 1178, une promenade réunissant ainsi la Place du pilori et la Place de la Croix-au-Bourg, ce qui forme actuellement la Place Gambetta. Par contre, on établit, bien au-delà de l'ancienne enceinte, des portes élégantes sans aucun caractère défensif, Porte de Paris, Porte St-Lazarre, Porte Sainte Agathe.

Mais le Président Minet déplore la régression d'activité de la cité à partir surtout du moment où l'on fait passer la route de Paris à Soissons, par Nanteuil et levignen, pour rejoindre Villers-Cotterâts, Nanteuil-le-Ilaudoin devient alors le centre du marché des bestiaux au détriment de Crépy. Un gros effort sera fait en matière de route à la fin du XVIII' s. par l'aménagement de la route de Senlis en 1772, de la route de Nanteuil en 1774.

A la veille de la Révolution, Crépy compte environ 2.500 habitants et fort peu d'industries. C'est moins du tiers de la population qu'elle avait au début du XIV

VII. - La Révolution - Le XIX' siècle.

La Révolution aura des conséquences assez catastrophiques pour Crépy; ce n'est plus désormais la capitale du Valois, lequel esc divisé entre deux départements, l'Aisne et l'Ose, ce n'est plus qu'un simple chef-lieu de canton et toutes les grandes charges administratives, financières et judiciaires disparaîssent.

Après la suppression des Ordres Religieux et la vente des biens nationaux, on assiste à la démolition de l'église Saint-Arnoul, puis à l'effondrement de la nef de Saint-Tinomas le Canterbury; et plus loin Sainte-Agathe disparaît, les Ursulines également. Après la Révolution, l'oeuvre de destruction du passé va se continuer; la porte médiévale des Onctiers est démolie en 1804, celle du Paon en 1814, la tour voisine en 1850, la poterne Saint-Arnoul en 1858.

Bien que Crépy ait cessé d'être capitale, elle continue a être un centre commercial pour tous les villages voisins; la voie ferrée y' arrivera en 1861, un certain nombre d'établissements Industriels s'y établiront.

Entreternps Crépy subit les invasions allemandes : en 1814 une attaque prussienne est repoussée par 800 soldats auxquels se joignent les habitants; la ville n'en sera pas moins occupée ultérieurement.Elle le sera à nouveau en 1870 puis durant quelques jours en septembre 1914; les bombardements endommagent certains quartiers et notamment l'ancien hôtel de ville dont on n'a pu conserver que le portail d'entrée. En 1940 enfin nombre de maisons sont détruites, notamment Place du Paon, rue jeanne d'Arc, rue de la Cloche. Après les reconstructions nécessitées par la dernière guerre Crépy se transforme sous l'impulsion d'une municipalité dynamique, et grâce notamment à l'implantation par M, Bataille de la grande usine de pelleteuses hydrauliques Poclain qui exporte dans toutes les parties du monde, Nombre d'autres usines se sont établies dans je secteur. La population a presque doublé, Les habitations s'étendent maintenant sur une grande surface. L'ancienne cité, si puissante au Moyen Âge grâce à Sa position défensive naturelle, parait maintenant à l'écart des grandes voies de passage.